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Appel à communication: Femmes et professions juridiques

Deadline: 16 mai 2022

Journée d’étude du 21 décembre 2022 – Il y a 100 ans, la loi du 7 avril 1922 ouvrait aux femmes l’exercice de la profession d’avocat, sous réserve d’une autorisation maritale. Cette avancée est le fruit d’un long combat dans lequel s’inscrit l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 12 décembre 1888 qui refuse l’admission de Marie Popelin au serment d’avocat…

La Cour motive alors son arrêt en se fondant sur des considérations historiques, sémantiques ainsi que sur la nature des femmes intrinsèquement incompatible avec certaines fonctions juridiques (Bruxelles, 12 décembre 1888, Pas., 1889, II, p. 48 ; de Brogniez, 2016). L’arrêt Popelin devient l’affaire Popelin et conduit notamment à la création de la première société féministe belge.

Malgré la loi de 1922, l’argument de la différence biologique persiste et le monde judiciaire résiste encore longuement à la pénétration des femmes en son sein. L’après-guerre annonce un tournant décisif. Pourtant, en 1946, à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de la Cour d’appel de Liège, le procureur général faisant fonction, Léon Delwaide, justifiant l’interdiction faite aux femmes d’accéder à la magistrature, va jusqu’à affirmer que « la femme est une personne anti-juridique ». La profession d’avoué leur est pourtant ouverte en 1947. Le barreau de cassation leur est ouvert la même année. Les femmes accèdent finalement à la magistrature en 1948. L’accès à la profession de notaire suit de peu, en 1950.

À l’heure actuelle, la féminisation des professions juridiques est en progression constante en Belgique et dans d’autres pays d’Europe occidentale (Chevreau, David et Zientara-Logeay, 2020 ; Commission européenne pour l’efficacité de la justice, 2020). Toutefois, ce processus s’est opéré graduellement et doit être nuancé. On observera que la parité au sein des fonctions hiérarchiques supérieures n’est pas encore atteinte dans les institutions concernées (Radiographie du barreau de Bruxelles, 2020).

En retrait des avancées de l’historiographie française et anglo-saxonne, la recherche historique sur l’histoire des femmes en Belgique se développe à partir des années 1970 (Gubin, Van Molle, 1998). Après s’être concentrée sur l’accès des femmes à l’enseignement universitaire ou aux droits politiques (De Weerdt, 1980 ; Keymolen, Castermans, Smet, 1981), elle connaît un véritable tournant à partir de la fin des années 1980 lorsque les travaux et mémoires spécifiques et les revues spécialisées qui leur sont dévolues se multiplient (Cahiers du Grif, Chronique féministe, Sextant).

La fin de la décennie 1980-1990 sonne l’heure des premiers bilans historiographiques (Courtois e.a., 1992 ; De Metsenaere, Huysseune et Scheys, 1990-1993 ; Christens, 1997). En parallèle, de nombreuses initiatives sont prises pour soutenir la recherche documentaire dédiée aux femmes, ce qui donne notamment naissance au Centre d’archives pour l’histoire des femmes (Carhif). Le Dictionnaire des femmes belges (Gubin, Jacques, Piette, Puissant, 2006) et l’Encyclopédie d’histoire des femmes (Gubin, Jacques, 2018) viennent combler le manque d’outils pour approcher l’histoire de la condition féminine en Belgique.

Mais les travaux existants dans le champ « Femmes et justice » ont le plus souvent envisagé la femme en tant que sujet de justice qu’actrice de la justice (Laurent, 1987 ; Dupont-Bouchat, Alexandre, Laurent, 1989). Tel n’est pas le cas en France où le domaine a déjà été déjà largement exploré, notamment grâce aux travaux d’Anne Boigeol. Soulignons également l’existence d’études comparatives internationales autour de l’impact du droit sur la construction sociale du genre et sur les femmes dans les professions juridiques, articulées notamment autour des premières avocates (Schultz et Shaw, 2003 ; Mossman, 2006 ; Kimble et Röwekamp, 2017).

La question de l’accès des femmes au barreau a longtemps été considérée uniquement à partir de l’affaire Popelin (De Bueger-Van Lierde, 1972 ; Nandrin, 2001). En revanche, les premières avocates ne sont que peu connues et n’ont jamais fait l’objet d’une contribution à part entière, bien qu’elles soient parfois renseignées dans des publications en lien avec leurs engagements respectifs (Van Rokeghem, Vercheval-Vervoort, Aubenas, 2006). Quant aux magistrates, elles sont fréquemment mobilisées au cœur d’analyses contemporaines sur la place de la femme au sein du corps judiciaire (Cornet, 2015 ; Raes, 2019). Lorsqu’elles sont envisagées dans une perspective historique, les recherches se focalisent sur le processus législatif menant à la loi de 1948 plutôt que sur les premières bénéficiaires de ces nouveaux droits acquis (Jacques, 2008 ; Schandevyl, 2009). Enfin, l’histoire de la femme notaire nous est un peu mieux connue mais il reste encore de nombreuses voies à explorer (Sextant, vol. 4, 1995 ; Stevens, 2001).

Si la question de l’accès des femmes aux professions juridiques a déjà été abordée par des travaux constituant de bonnes introductions au sujet (Nandrin 2016, ; Jacques, 2013), de nombreuses zones d’ombre persistent tant en ce qui concerne les professions prétoriennes que s’agissant de leurs adjoints et auxiliaires. Il en est de même concernant le champ de l’aide sociale (assistantes sociales, assistantes de police, juges pour enfant, etc.). L’objet soulève encore de nombreuses interrogations liées intrinsèquement à l’émancipation féminine et aux conséquences de l’obtention de droits nouveaux aux XIXe et XXe siècles. Qui sont ces pionnières ? Quel sont leurs profils individuels et collectifs ? Quelles réactions leur arrivée a-t- elle suscité aussi bien dans la société que chez leurs collègues masculins ? Quel rapport au droit ces premières femmes avaient-elles et dans quelle mesure la sphère judiciaire a pu jouer le rôle de vecteur de leurs revendications ? Quel impact ces premières juristes ont-elles laissé sur leurs contemporaines et héritières ? Dans quelle mesure, malgré leur accès aux métiers du droit, ces femmes restent-elles tributaires des représentations de genre dans l’exercice de leur fonction ?

Les voies de recherches qui restent à explorer étant nombreuses, liberté est offerte aux chercheurs désireux de participer à cette journée d’étude quant aux méthodes (biographie, prosopographie, etc.) et aux sources envisagées (archives, presse, histoire orale, etc.).

Cette journée d’étude conduira à la publication d’un ouvrage sur les femmes et les professions juridiques en Belgique aux XIXe et XXe siècles.

Les propositions de contributions (maximum 500 mots) devront être envoyées par mail à l’adresse julien.delattre@ulb.be pour le 16 mai 2022 au plus tard. Les contributions seront envoyées aux participants avant la journée d’études en vue de leur discussion.

Comité organisateur

Jérôme de Brouwer (ULB), Xavier Rousseaux (UCL), Julien Delattre (ULB) et Fanny Verslype (UCL).

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